âmes grises (libre)

Silas commençait à douter de la pertinence de sa dernière capture. Cet Airmure était tellement infect, grossier et agressif qu'il n'était toujours pas parvenu à lui trouver un petit surnom. Il sentait, perpétuellement, la Pokéball gigoter dans sa bandoulière, comme si l'oiseau de fer était déterminé à s'envoler sans aucune considération pour l'humain qui le détenait à présent. Silas était conscient qu'il existait des personnes qui militaient pour l'interdiction totale de la capture des pokémons - lui même avait fait partie de la section trafics de la Brigade d'Ivoire, des magouilles infâmes et sans respect pour certaines créatures sans défense et en danger d'extinction, il en avait démantelé quelques unes et il continuerait de le faire, par ailleurs. Néanmoins, certains Pokémons comme Airmure n'était rien d'autre, malheureusement, que des nuisibles, dont il était impératif de réguler la population - que diable, même les professeurs et les scientifiques le disaient !

Perdu dans ses pensées, maladroit qu'il était - ce grand dadais avait failli échouer au test d'aptitude physique de la Brigade, il y a une vingtaine d'années de cela. L'humiliation était encore cuisante, par ailleurs. Reprenons. Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas le morceau de tôle qui lui barrait le chemin et glissa dessus de manière absolument pathétique pour un fier représentant de l'autorité citadine. La chute lui sembla se dérouler au ralenti : le temps s'étirait et s'étirait, le sol, jonché de détritus et autres tiges de fer susceptibles de l’éborgner, se rapprochait, ses mains constellées de grains de beauté se positionnèrent dans l'espoir de lui servir de bouclier... Heureusement, aucun truand n'était présent pour se délecter de sa chute ridicule.

En revanche, l'une de ses pokéballs fut expulsée du cordon qui la retenait à sa bandoulière, heurta le sol, rebondit quelques mètres plus loin et laissa s'échapper le Pokémon qu'elle hébergeait.

- Airmure, non ! beugla Silas, conscient qu'il ne devait néanmoins pas se faire remarquer.

Peine perdue. Le volatile déformé semblait à la fois perdu et exalté. Sans demander son reste, il s'envola et au dernier moment, modifia sa trajectoire pour se diriger vers la vieille usine désaffectée qui abritait, comme Silas le savait, des combats illicites. Dire qu'il souhaitait s'y rendre de manière anonyme... Pour la discrétion, c'était loupé. Sans se soucier de ses paumes brûlées ou de ses genoux qui enflaient à vue d’œil, le quarantenaire se précipita vers l'entrée de l'usine, où Airmure s'était posté et le dévisageait à présent d'un air moqueur. Dans ses pupilles perçantes, une flamme guerrière dansait. Son compagnon voulait du sang... et avec ses doigts abîmés ainsi que ses airs d'alcooliques dépressifs, il y avait de bonnes chances que Silas puisse se fondre dans la foule sans que personne ne vienne l'emmerder.

Galvanisé par cette réalisation et l’enthousiasme soudain de Airmure qui était devenu, en l'espace d'une micro-seconde, bien plus conciliant, Silas prit un air menaçant et se glissa dans un groupe d'hommes aux visages opiniâtres, aux poings serrés et accompagnés de créatures ténébreuses. A l'entrée de cette arène de pacotilles, deux balourds aux dimensions parfaitement angulaires contrôlaient de temps à autres les visages nouveaux, trop naïfs ou trop hésitants. Silas baissa légèrement le regard, tenta de mimer les postures qu'il pouvait d'ors et déjà repérer dans la foule, majoritairement masculine.

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Si lancer de dé réussi : Silas parvient à pénétrer l'arène sans souci particulier et se retrouve alors dans une foule en délire, alors qu'un combat particulièrement brutal fait rage.

Si échoue : les videurs prennent Silas à parti, vous êtes donc libres d'intervenir, en sa faveur ou défaveur

Il ne savait pas à quoi il s'attendait. A une horde de mâles débordant de testostérone, clamant des chants barbares, couverts de sang et de tripes ? Silas disposait d'une imagination fugace et haute en couleurs, ainsi, il fut presque pris de court en pénétrant la masse de spectateurs : s'offrait à lui une véritable ruche parfaitement organisée, avec un espace de combat et un autre où des hommes bizarrement habillés notaient des suites de chiffres sur des cahiers froissés. Sans doute notaient-ils les mises des inconscients dont les poches étaient probablement loin de déborder de fric.

Silas baisse la tête; cela fait des années que les brigades ont perdu la main sur la zone. Sans doute ne l'ont-elles jamais réellement contrôlée, d'ailleurs. Cet ensemble urbain de terrains vagues où s'affrontaient des forces criminelles qui ne cessaient de se multiplier au fil des années... Silas plaignait sincèrement les populations qui devaient subir au quotidien ces crapules sans mépris pour la vie humaine ou pour les valeurs morales. Il était de la vieille école et malgré sa bonhomie naturelle, n'éprouvait que rarement de la compassion pour les criminels et délinquants qu'il avait mis derrière les barreaux au cours de sa carrière.

Cependant, ici, malgré son métier qui aurait dû le protéger de tout - tu parles - il devait se montrer prudent et discret. Il faisait de l'observation, c'est tout. Tentait de comprendre les mécaniques qui régissaient l'endroit. Le plus sage aurait probablement été de se calfeutrer dans la foule, mais Silas redoutait la bagarre générale. Quelque chose lui disait que les murs de l'arène avaient essuyé des litres et des litres de sang. Alors que le premier Pokémon faisait son entrée, Airmure laissa échapper un glapissement, galvanisé par l'écho des cris des pokémons et des humains, qui se confondaient dans un capharnaüm terrifiant.

- Il a l'air féroce, votre Airmure, minaude soudainement une voix rauque à sa droite.

Silas se retourne, pour faire face à un homme de son âge, bedonnant, habillé d'un costard blanc et violet absolument ringard. Il dut se pincer les lèvres pour ne pas rire.

- Féroce, j'en sais rien. Désobéissant, oui, glissa t-il d'un air amusé, un masque de nonchalance imprimé sur son visage froissé.

- Si jamais vous voulez combattre, n'hésitez pas, il y a de belles récompenses à la clé, offre le truand en tirant sur son cigare bon marché, avant de s'éloigner en traînant des pattes.

Pensif, Silas l'observa disparaître vers des loges en hauteur, avant de remarquer que quelqu'un l'observait. C'était un blond svelte, un nuage sur la tête, des bras maigrelets, qui, de l'avis de Silas, aurait mieux fait d'être en train d'étudier dans sa chambre universitaire. Le quarantenaire lui adresse un sourire, se rappelle de son rôle : un touriste d'Irisia, adepte de combats pokémon, un ami d'un ami lui a dit qu'il trouverait son bonheur ici.

- Ils sont en manque de combattants, ou quoi ? demande t-il sur le ton de l'humour en s'allumant une cigarette, encore surpris de l'offre étrange de celui qui semblait être le maître des lieux.