(capture) poor little you.

il sait qu'ils lui cachent quelque chose. et ce quelque chose, il sait aussi qu'il s'agit plus vraisemblablement de quelqu'un. ce couple le débecte autant qu'il débecte le fantominus qui l'accompagne, masqué derrière lui et grondant de fureur. il leur promet de faire disparaitre le spectre en échange d'un peu d'argent. pas grand chose, ces deux-là ont à peine de quoi manger de la viande une fois par semaine, et encore. cependant, on ne lui enlèvera pas cette idée, cette odeur nauséabonde du mensonge et de la dissimulation. le regard de morgan jette des éclairs froids en leur direction, tandis qu'il feint de les écouter se répandre en plaintes débordantes. négocier, encore et toujours négocier. il faut bien que je gagne mon pain, s'entend-il répondre, ironique. même le fantominus se marre. tout ça est ridicule. fais demi-tour. certaines personnes ne méritent aucun salut.

(HB30)

pas cher payé pour des salopes de la pire espèce, songe-t-il en recueillant le maigre butin qu’il a exigé en échange de ses services. les deux monstres sourient, mielleux, ignorants qu’ils sont du savoir du chasseur : je sais que l’esprit qui vous hante est ici pour le protéger de vous. il voudrait le dire, mais préserve un silence de haine glaciale. dans son dos, il sent la souffrance du fantominus. tu veux que je les arrête ? il n’a qu’un mouvement à faire, un seul, et morgan retournera cette maison sordide, brûlera chaque centimètre carré des lieux jusqu’à le trouver. le pokémon n’acquiesce ni n’invalide. fais comme tu le sens. sens ma souffrance. les deux idiots semblent attendre impatiemment son départ. tu m’étonnes. appelé pour les débarrasser de leur fantôme comme de pauvres victimes, alors qu’ils sont les bourreaux. contre eux, morgan nesseth ne possède aucune attaque. rien d’autre que la pression, l’intimidation, sans doute pour rien, parce qu’il est bien connu que les gentils ne triomphent que rarement. je sais ce que vous cachez, il énonce d’une voix calme et froide. le couple se fige, leurs traits se raidissent. bien sûr, qu’il sait. et maintenant ?...

(HB30)

c’est seulement quand la femme commence à nier avec agressivité que morgan sent le fantominus sur le point d’attaquer. pour parer tout accident, c’est lui qui fait le premier pas en avant. permettez-moi d’être extrêmement clair. il y a ici une créature en danger, qui a été torturée et qui est épuisée et terrorisée. il serre les poings et ses phalanges ont blanchi. pas dans ses habitudes de faire du social, mais il sait reconnaitre la souffrance spectrale. de même, la compassion et la rage du fantominus qu’il considère comme son frère, son double, son âme soeur, l’amènent à changer de cap avec une brutalité à laquelle le couple ne s’attendait pas. deux miséreux tentant de survivre dans un quartier aristocratique aux mains de la team r. pourquoi rester dans la misère ? les apparences. la délectation du mensonge. se faire passer pour des gens de la haute sans en posséder les moyens : recevoir une invitation pour un bal bourgeois vaut bien une semaine sans diner, n’est-ce pas ? c’est certain à présent : il les hait, il les méprise. je ne repartirai pas d’ici sans lui. implacable, le ton est déterminé et ne souffrira d’aucune opposition.

(HB30)

nom de dieu. murmure exaspéré entre ses dents, sa langue figée. sans mot dire, le couple pris sur le fait le défie. d’un mouvement, morgan s’apprête à les dépasser quand l’homme se met en travers de son chemin. cette fois, un sourire cruel éclaire le visage du chasseur. ne te rend pas ridicule, intime-t-il, autoritaire. lorsqu’il s’engouffre dans le couloir, l’intention ferme de se rendre à l’étage, il entend le bruit caractéristique d’un pokémon qu’on tire de sa capsule. intrigué, il se retourne pour apercevoir un ratata aux dents pointues qui se met en position de combat, cambré face à lui. occupe-t’en. en couple ignore qu’il s’adresse au fantominus qui a, de fait, toujours été là, invisible dans son ombre mince. il entend le rire sadique du pokémon, le couinement altéré du ratata, la rage du couple, et disparait dans l’escalier qui mène aux pièces de l’étage. ça sent la poussière, grattant sa gorge, et le renfermé. pressé et alerte, il cherche la source de la présence spectrale en souffrance. ces deux malades organisent des représentations dd cabaret morbide, il en est convaincu. un pokémon victime, torturé par deux ou trois autres. ça fonctionnait jusqu’à ce que l’un des bourreaux se retourne contre eux et commence à leur mener la vie dure. il a eu peur devant morgan, s’est enfui en s’excusant presque. et morgan n’a pas eu le temps de lui dire que c’était lui qui l’était, désolé. il ouvre une porte au hasard : une salle de bain. vide de l’être dont il recherche le moindre signe. oú es-tu.

(HB30)

en bas des marches, le fantominus s’amuse probablement avec l’impuissant ratata. les gens rient en le voyant, ignorent que le pokémon possède un niveau dix fois supérieur à son apparence, mais n’a jamais voulu évoluer, comme pour rester le joli et effrayant doudou d’enfance de son protecteur, son âme soeur. la femme hurle, l’homme hausse le ton et fait tonner sa grosse voix, le fantominus rit. morgan ouvre chaque porte et enfin, dans une chambre d’amis abandonnée puisqu’il va de soi que les deux imposteurs n’ont aucun ami, il ressent plus fort que jamais la présence spectrale. à moins que... ses sourcils se froncent. le parfum est particulier. plus doux, moins âpre que celui des spectres. une fée ?...
nul doute à présent : le pokémon amoindri se trouve dans cette pièce.

(HB30)

(narratif : le pokémon est sacrément bien caché par le couple de maltraitants et il est très dur de le repérer. morgan vient de comprendre qu’il s’agit d’un type fée et non spectre : voilà qui explique ses difficultés à le repérer. il aurait déjà trouvé le spectre s’il avait été dans la baraque. le pokémon fée est moins facilement repérable pour celui qui n’en est pas un spécialiste. il est tenté de demander son aide au fantominus, mais renonce en le jugeant probablement plus utile auprès des deux idiots rendus hystériques par le ko de leur unique pokémon. ce ratata semblait d’ailleurs en pleine forme. comme quoi, prendre soin de son pokémon n’empêche pas certaines ordures d’en maltraiter d’autres. tout comme certains parents avec leurs enfants... morgan se penche pour regarder sous le lit, dans les placards, derrière les volets des fenêtres...)

(HB30)

un mouvement, presque imperceptible, se fait soudain entendre au-dessus de la tête de morgan, qui lève les yeux au plafond et tend l'oreille. désormais certain que quelqu'un a bougé dans le grenier, il entreprend d'y accéder, mais aucune trappe dans la chambre abandonnée. il sort de la pièce et, la pulpe de ses doigts glissant sur son passage le long des murs du couloir, il détaille les hauteurs lisses du plafond. près des petits toilettes, tout au fond du couloir, quelques poutres apparentes. entre elles : un rectangle se dessine. c'est la trape, l'entrée du grenier. revenant jusqu'à la chambre à pas rapides, il s'empare d'une chaise d'osier qu'il apporte sous le plafond à trape, et grimpe dessus, ses pieds de chaque côté de la chaise pour éviter de passer au travers en prenant appui sur le milieu fragile. de la main, il pousse la trape, qui lui résiste. c'est donc d'un grand coup de poing lancé par-dessus sa tête qu'il défonce la trape dans un "brak" sonore qui ne manque pas d'alerter l'étage inférieur. mais le fantominus veille, et empêche le couple de se jeter dans les escaliers à la poursuite du chasseur. là-haut, dans le petit rectangle ouvert qu'a laissé libre la trape, aucune lumière. aucune échelle. morgan prend son élan, et ses mains s'agrippent de chaque côté de l'ouverture tandis qu'il se hisse à la force des bras. le grenier est aussi vaste que ce à quoi il s'attendait. en effet, la maison est construite sur la hauteur, pas sur la largeur. dans l'obscurité, morgan s'avance prudemment tout en maintenant ses bras de chaque côté de son corps, étendus, dans l'espoir de contrer les éventuels obstacles. le pokémon se trouve ici.

(HB30)

plus il avance dans la pièce immense remplie d'objets qu'il ne distingue pas dans le noir, plus il sent la présence du pokémon. la respiration est faible, comme un râle infime sorti d'un corps minuscule. ses yeux se plissent, et il distingue enfin ce qui ressemble à un parc pour enfants, des barreaux de bois qui ne lui arrivent pas plus haut qu'aux genoux. au milieu de cette cage de fortune : un mimiqui. recroquevillé sur lui-même, son allure briserait le coeur d'un onix. ses petits yeux ne brillent pas au travers le voile crème qui le recouvre, et sa tête, comme celle des mimiquis, tombe de côté et l'observe avec un sourire déjà mort.

(HB30)

morgan n'a aucune idée précise de l'état de santé du mimiqui. tout du moins sait-il que le pokémon est en danger. mais l'approcher trop brutalement pourrait causer un incident. le petit est défensif, même poussé dans ses retranchements. prudent, il tend une main et s'avance dans une lenteur mesurée. inutile de parler, de le rassurer d'un murmure, cela ne fonctionne pas avec ce type de pokémon. à la recherche d'une façon de montrer au mimiqui qu'il est là pour l'aider, morgan continue d'avancer et perçoit, même dans l'obscurité, le petit corps se mettre à trembler en voyant sa main approcher. que t'ont-ils fait... quel être humain est suffisamment ignoble pour... le mimiqui semble n'avoir même plus assez de force pour reculer. enfin, les yeux apparaissent dans les trous du tissu, s'élèvent jusqu'à lui et brillent d'une lueur dans laquelle danse la peur, et les souvenirs traumatiques. morgan n'est définitivement pas habitué à cela. les courses-poursuites et les combats avec les spectres sont toujours dangereux, survoltés, joyeusement mortels. les spectres ne se laissent pas secourir. ce mimiqui ressemble ni plus ni moins à un bébé, un petit chiot abandonné. son chiffon a été rapiécé des dizaines et des dizaines de fois, probablement par lui-même, une fois de retour dans sa prison. morgan sait que le mimiqui tente une attaque, probablement étonnement pour le faire fuir, mais ses forces l'ont abandonné et l'attaque ne fonctionne pas.

(CAPT70)

insensible à la poussière qui s'amoncèle le long du parquet grinçant, morgan s'abaisse lentement et, les genoux contre le sol, il s'allonge tout entier devant la cage aux barreaux de bois du mimiqui sans le quitter du regard. le pokémon n'est pas haut : se mettre à sa taille est un signe de soumission et d'amitié que le chasseur espèce fonctionnel. une fois allongé, il tend une main, toujours très lent, puis un doigt en direction du mimiqui, qu'il sent trembler au travers son tissu chiffonné. les secondes s'écoulent durant lesquelles morgan n'agit plus, respire à peine, sa main retombée à plat contre le pokémon lui signalant par son inanité que rien ne se passe, aucune attaque, aucune violence. rien d'autre qu'une main laissée tombée, posée là, près de lui, prête à recueillir un contact si tant est que le mimiqui en ait envie. jamais encore morgan n'avait rencontré de pokémon aussi terrorisé. il ne possède aucune formation lui permettant d'instaurer immédiatement un climat de confiance entre le pokémon et lui : chasseur de formation, il sait mieux attaquer que défendre, que rester passif. mais en-dessous de lui, le fantominus qu'il aime plus que n'importe qui lui demande de faire un geste. de sortir ce pokémon de la nuit. venant d'un pokémon spectre malicieux, c'est un geste d'altruisme suffisamment rare pour que morgan accepte de s'en faire l'allié.

(CAPT70)

les secondes, puis les minutes s'écoulent durant lesquelles morgan ne bouge plus, respire à peine, observant le mimiqui dans la pénombre et patientant jusqu'à ce que le pokémon cesse de trembler. la respiration du petit est toujours sifflante, apeurée, mais au terme de sept minutes, son corps a cessé de frissonner. alors, toujours dans une lenteur millimétrée, morgan avance une main vers le mimiqui. touche du bout des doigts le chiffon de sa robe rapiécée. tremblements, puis plus rien. la main de morgan entoure le corps de pokémon et le rapproche de lui, son sillon traçant dans la poussière épaisse du plancher un chemin de sable gris. seuls les barreaux de bois les séparent, les petits yeux inquiets du mimiqui rivés sur ceux, bruns, de morgan posés sur lui. la main du chasseur remue entre les barreaux. tu veux venir avec moi ? murmure-t-il à l'attention du pokémon, devenu plus attentif qu'effrayé à présent. mimiqui penche son corps, et la tête abimée de son costume s'écroule de côté, retenue par un simple fil de mauvaise qualité. morgan esquisse un sourire. nous avons de quoi réparer tout ça, il ajoute avec douceur. le pokémon garde le silence, et plus rien d'autre que les ricanements du fantominus à l'étage du dessous ne viennent s'insérer entre le chasseur et le mimiqui. les secondes s'écoulent durant lesquelles morgan ne fait rien. puis, alors qu'il s'y attendait, le mimiqui remue et semble lui faire signe de l'aider à dépasser les barreaux de bois qui forment sa cage. sans brusquerie, morgan se redresse sur ses genoux. son pantalon est recouvert d'une épaisse couche de poussière, mais peu importe. ses bras viennent attraper le petit pokémon par-dessus la cage, son corps se penche pour le soulever. il est aussi léger qu'il en a l'air, et chaud, incroyablement chaud. rapidement, le mimiqui trouve sa place contre le torse de morgan, dont les mains commençaient à brûler. là, les pans de sa veste entourent le pokémon pour le recouvrir, et tous deux quittent le grenier en laissant derrière eux l'obscurité, la solitude.

les yeux blancs et immenses du fantominus se posent sur eux tandis qu'ils débarquent dans l'entrée, où les deux propriétaires des lieux semblent endormis. morgan sourit. un coup d'hypnose, la classique. il écarte les tissus de sa veste pour montrer au fantominus le mimiqui blotti contre lui. fantominus approuve en fermant puis rouvrant ses grands yeux souriants. étant donné qu'il n'a jamais appartenu au couple d'idiots qui se sont servis de lui, morgan ne ressent aucun besoin de les réveiller pour les informer qu'il part avec lui. dans un 'pop' silencieux, le fantominus redevient invisible et se glisse derrière morgan pour imiter son ombre, et le chasseur et son nouveau protégé quittent les lieux, comme s'ils n'étaient jamais entrés.