saints and storms (capture et rp solo)

Le pied hors du cabinet de la thérapeute. Un, deux. Il suit les tracés du trottoir, les briques qui se mélangent et disparaissent parfois sous une couche de crasse, sous des mollards et des chewing-gums. Les gens n'ont aucun respect pour la propreté de l'espace public, songe tristement Silas Amara, en froissant brutalement l'ordonnance et en la glissant dans sa poche droite. C'est un homme de 40 ans, il va pas se trimbaler avec une pochette, si ?

A cette heure de l'après-midi, les passants se font rares sur l'avenue Heartgold - drôle de nom si vous demandez l'avis de votre humble serviteur, un cœur d'or pèse très lourd, Silas le sait car il est réputé pour en avoir un, cela pèse tellement lourd que cela vous entraîne vers les abîmes. Attribut de martyr pre-mortem, trésor enfoui entre deux capillaires et quelques muscles ensanglantés.

L'imagination d'Amara est devenue extrêmement graphique, ces derniers temps. Il a développé une forme de passion pour l'anatomie et la matière, ce qui se touche et se sent. Cela l'aide à garder les pieds sur terre, en quelque sorte. A ne pas oublier qu'il est aussi, comme les autres, un amas de chair et d'os. Alors, qu'est-ce qu'il va faire, avec sa carcasse ? La traîner à droite, à gauche ? S'allonger au milieu de la rue et faire le mort ?

C'est un visage usé par le temps et la pauvreté qui lui fait face. De ceux que l'on appelle avec précaution "sans domicile fixe", des appellations caractérisées par tout le sucre glace que l'on saupoudre pour qu'elles soient plus douces à accepter. Silas ne déroge pas à la règle, l'est comme tout le monde. Il n'aime pas la misère, il n'aime pas l'idée que des gens vivent et meurent dans la rue, mais bon sang, quelle action individuelle peut-il bien mener pour aider cet homme ?

Lui accorder un peu de son temps, probablement. C'est ce qu'il décide de faire, malgré la vulgarité dont l'homme faisait preuve. Un pervers, lui ? Et puis quoi encore ? Il était père de deux enfants, bon sang. Bien sûr qu'il aimait regarder les femmes, qui n'aimait pas ça ? Les saints, peut-être ?

- Je ne suis pas un pervers, proteste t-il. Je vous peindrais avec plaisir, mais je n'ai pas mon matériel. Je reviens de chez le docteur, se confie t-il, parlant à toute vitesse comme s'il était avec un ami.
- J'ai une feuille et un crayon, si tu veux, le pervers, propose le clochard, tout excité, les yeux soudain brillants, comme deux lacs un jour de grand soleil.
- Ok, ça marche. Mais arrêtez de me traiter de pervers. Je n'aime pas ce mot.